Close eyes, again [Lindsay]

Le matin même, c'était normal. Selena avait prit son sac, réveillé Mathias en partant au lycée. Elle avait mit ses rollers, avait traversé une rue. Elle n'avait pas comprit tout de suite ce qu'il se passait. Elle avait revu la voiture, presque la même que celle qui avait renversé Gabriel. Presque.
Alors elle avait été incapable de bouger. La voiture l'avait percutée de plein fouet. Sa vue s'était brouillée, elle avait senti ses membres se relacher les uns aprés les autres, sa tête s'était cognée contre le bitume, une douleur lanscinante et aigüe, puis plus rien.
On l'avait portée à l'hôpital. Elle avait deux perfusions dans chaque bras, un masque, ses cheveux étaient emmêlés, des traces de larmes séchées sur ses joues, au fin fond de la chambre blanche.
L'infirmière avait consulté les numéros de téléphone dans l'agenda de Selena. Elle n'en avait trouvé qu'un; celui d'une certaine Lind's. Aussitôt dit, aussitôt fait, on avait appellé la rock star et l'avait informé de l'êtat dans lequel se trouvait la jeune fille.

"Mademoiselle...oui...L'hôpital...Une certaine Selena Jenkins mademoiselle. Renversée par une voiture. Il n'y avait que votre nom dans son carn... Mademoiselle ? Mademoiselle ?"

Lindsay regardait une énième fois "Guerre et Paix". Audrey. Audrey Hepburn était Natacha Rostova. Son idôle jouait l'héroïne de Léon Tolstoï dans son roman phare. Mais voilà, son téléphone portable se mit à vibrer, puis à sonner. Lindsay aurait voulu frapper la personne qui l'appellait à ce moment-ci.
Selena. Elle était pourtant sencée être en cours !? Peut-être qu'elle avait des profs absents, et qu'elle voulait que Lindsay la ramène chez elle. Ce devait être un truc du genre. Donc, Lindsay mit "Guerre et Paix" sur pause, et déccrocha.
Mais la voix n'était pas celle de Selena.

"Mademoiselle...oui...L'hôpital...Une certaine Selena Jenkins mademoiselle. Renversée par une voiture."

Cette phrase résonna dans la tête de Lindsay. Des larmes commencèrent à couler sur ses joues. D'un coup sec, elle referma le clapet de son téléphone et se rua hors de son appartement. Selena. C'était impossible...
Son crayon avait coulé, et désormais deux gros paquets noirs s'étaient formés sous les yeux de la belle Lindsay, lorsqu'elle arriva à l'acceuil de l'hôpital.

"Selena Jenkins. C'est ma cousine. Je peux la voir ?"

Lindsay avait réussi à articuler cela entre deux sanglots. La secrétaire ne se fit pas prier, et Lindsay suivit une infirmière qui la conduisit jusqu'a la chambre 384.
Selena était alongée sur un lit, avec des perfusions, un masque respiratoire, et autres trucs dans le genre. Lindsay crut s'évanouir. Selena. Sa cousine chérie. La seule famille qu'il lui restait.

"Elle est dans le coma."

annonça l'infirmière.

Et là, ce fut trop. Lindsay éclata en sanglots, et tomba par terre. Evanouie. Heureusement, elle se trouvait dans un hôpital.

C'était drôle, tout de même. Non seulement, ici, le monde entier avait une couleur violette, mais en plus, des baguettes de batterie volaient toutes seules. Et tous les gens que Selena croisait avaient la tête en forme de voiture verte. Verte amande en plus. Bizarre.

Selena était en plein délire, couchée au fin fond d'un hôpital. L'infirmière la regardait, pensive. A côté du lit, une jeune femme (que l'infirmière avait déjà vu sur la couverture d'un des magasines de sa fille) pleurait en silence.

"Ca aurait pu être plus grave mademoiselle. Elle s'en est tirée, c'est le principal non ? Elle est toujours là, vous pouvez lui parler, il parait que ça les réveille..."

Selena, plongée dans son délire, sursauta quand toutes les voitures-têtes se mirent à parler, d'une voix genre l'infirmière dans "Grey's anatomy". Elle pensa quelques minutes au fait qu'elle ne savait pas où elle était, et que tout ça était impossible. Allez savoir ce qui la retenait de s'écrouler face contre terre. Cette voix, sûrement, qui l'obligeait à marcher !

"Pleurez pas mademoiselle, elle s'en tirera, j'en ai vu de plus faibles qui sortaient rapidement du coma ! Elle se débattra, ne vous inquiètez pas."

L'infirmière réfléchissait. Cette gamine, elle l'avait déjà vu accompagner un gamin de son âge ici. Le pauvre était mort deux heures plus tard, accident de voiture...
L'infirmière se força à sourire d'un air avenant, en se jurant de démissionner au plus vite pour se faire puéricultrice.

Lindsay était trempée. Pour deux raisons. La première, était que l'infirmière lui avait balancé de l'eau dessus pour qu'elle se réveille. Chose vraiment radicale quand vous voulez que les vêtements de la personne évanouie soient fichus si ils ne sont pas séchés dans les cinq minutes suivantes. Et deuxième raison : Lindsay pleurait. Déjà, Gabriel, maintenant Selena. Plus jamais elle n'oserait marcher sur un passage piéton. Plus jamais elle n'oserait se déplacer hors de quelque chose d'ultra sécurisé. L'avantage était qu'elle avait les moyens d'acheter tout ça.
Lindsay, entre deux sanglots, saisit la main de sa cousine. Froide. Inerte. Comme une fausse main, en latex. C ette idée dégouta la pauvre Lindsay, qui n'avait pas besoin de ça, et elle lâcha cette petite main aux ongles rongés.
Lindsay commençait à comprendre Jimmy. Il avait perdu son frère. Et en plus, celui-ci s'était suicidé. Linds' comprennait pourquoi son ami se sentait si mal, et avait tellement envie d'en finir.
Lindsay ne pouvait pas se résoudre au fait que Selena n'appartienne plus à ce monde. C'était impossible. Mais si elle en avait eu la force, elle aurait frappé cette infirmière, qui était loin de l'aider dans son malheur. Mais pourquoi personne ne la comprennait-il ? Pourquoi tout le monde lui répétait que tout allait pour le mieux alors que ce n'était pas le cas ? Pourquoi tout le monde voulait la voir sourire alors qu'elle, elle n'avait la force que de pleurer ?
Autant de questions qui restèrent sans réponse dans l'esprit de Lindsay. Autant de questions auquelles elle ne pouvait, ou ne voulait, pas répondre.
De son sac en cuir décidément mort, la belle brune retira un mouchoir en tissu, brodé des ses initiales. Elle s'essuya le visage avec, étalant son mascara qui avait déjà coulé. Mais elle s'en fichait. elle s'en fichait d'être belle, glamour. Elle s'en fichait de ce que les gens pensaient. Elle s'en fichait de "People" et de Katy Ridley. Tout ce qu'elle voulait, c'était que Selena se réveille. Que Selena lui fasse un sourire. Que tout redevienne comme avant.
Mais bien entendu, tout cela était impossible. Tout cela était irréalisable. Et c'était pour cela, que Lindsay pleurait. Parce qu'elle était impuissante. Pour la première fois de sa vie, Lindsay était perdue, et ne pouvait rien faire. Pour la première fois de sa vie, Lindsay devait subir.

L'infirmière se ravisa. Elle allait prendre la jeune fille par les épaules, mais celle-ci avait un regard tellement dur que c'était devenu impossible. Elle regarda la gamine. Plus pâle que la mort, elle restait de glace.
A quoi ça servait tout ça ? A quoi sa vie avait-elle servie pour être broyée d'un coup, comme ça ? Si par miracle elle se réveillait la petite serait surement handicapée. Et si elle en réchapait, le choc moral survivrait longtemps à ses blessures.

"C'était votre soeur mademoiselle ?"

C'était. Pourquoi avait-elle dit ça ? La jeune fille était déjà bouleversée et trempée, il fallait en plus qu'elle en rajoute !

Selena sentait que ses jambes et sa tête lui faisaient mal. En fait, elle avait l'impression qu'on avait tracé des lignes au fer blanc sur tout son corps. Une douleur aigüe s'emparait de chacun de ses membres. Elle gémissait sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. elle ne pouvait même pas se tordre de douleur. elle était condamnée à subir, toujours, sans tenir tête. Elle ne pouvait pas se défendre. Contre quoi d'ailleurs ? Allez essayer de supprimer la douleur !

L'infirmière observa plus atentivement le visage clos de la gamine. Des gouttes de sueur perlaient sur son front. Elle retint à peine un hurlement de joie.

"Elle est en vie !"

Préférant ne pas mentir, elle poursuivit :

"Pour l'instant, elle est en vie ! Regardez !"

Lindsay commençait à se calmer. Après tout, Selena était dans un hôpital, et des dizaines d'infirmiers étaient à plein temps en train d'essayer de la ramener à la vie. Ils finiraient bien par y arriver.

"Ma cousine. Elle était, est et restera ma cousine chérie quoi qu'il arrive."

Lindsay s'étonnait elle-même d'avoir sorti cette phrase-là. Cela faisait très nostalgique, très jeune-fille-triste-qui-pense-au-bon-vieux-temps. Très mélancolique. Très pas du tout Lindsay. "Très pas du tout Lindsay". Cela ne veut rien dire. Disons que cela ne ressemblait en rien aux habitudes de la belle brune. Mais ce genre d'accident n'était pas dans ses habitudes non plus. Lindsay était toute chamboulée, et ne savait pas très bien comment réagir. Et comment vivre sans Selena, sa cousine adorée.

Elle ferma les yeux. L'infirmière hurla. Lindsay ne comprit pas immédiatement ce qu'elle avait dit, et en rélité, elle s'en fichait. Mais en y réfléchissant bien...

"Elle est en vie !"

Cette phrase résonnait dans sa tête. En vie. Pour le moment ? Comment ça, pour le moment ? Si Selena était en vie, elle le resterait !
Lindsay suivit le regard de l'infirmière. Elle ne comprenait pas pourquoi cette bonne femme avait hurlé une chose telle sans aucune preve apparente aux yeux d'une personne normalement constituée. Mais ce "Elle est en vie" redonnait espoir à Lindsay. Un léger espoir, mais un espoir quand même.

Selena essayait toujours de se débattre. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qu'il lui arrivait. aussi essaya-t-elle de réfléchir.
Petit un, elle avait trés mal. Ce qui, inutile de le préciser, ne lui était pas familié. Elle en déduit donc qu'elle était sûrement endotmie avec incapacité de se réveiller. En tant que soeur du type le plus fada de science fiction du monde, ça lui paraissait d'une logique implacable.
Petit deux, elle se souvenait avoir vu une voiture. Même qu'elle avait eu une peur bleue. Elle avait eu une sorte de flash back, elle avait revu Gabriel traverser la rue, encore plié en deux de la blague qu'il avait fait, agiter la main, être percuté de plein fouet par la voiture, rouler sur le capot, être propulsé vers le toit, y rebondir et dégringoler de l'autre côté. Elle avait revu son visage à elle, trempé de larmes, le conducteur freiner et se prendre un mur. A bien y réfléchir, elle ne savait absolument pas ce qu'il était advenu du chauffard. Peu lui importait.
Petit trois, la voix de Lindsay et d'une autre petrsonne lui parvenaient, comme d'une radio qui grésille.

"Votre cousine ? Et elle n'a ni frères ni soeurs ? Pas de parents dont elle aurait besoin de noter le numéro ?" poursuivit l'infirmière en lissant joyeusement les couvertures.

C'était un des gros défauts de sa profession; à part quand le pire est prouvé, on fait toujours semblant d'être rayonnante. Hors, la gamine vivait.
Et puis en même temps, elle trouvait ça un peu bizarre. Une cousine de star est riche, par définition, non ? Elle ne porte pas un vieux t-shirt gribouillé (d'une main de maître, mais même) et ne se ballade pas à pied ! Une cousine de star, ça se trimballe en limousine ! Non ?
Et puis cette brunette assise là était tellement adorable, toute bouleversée, en train de pleurer, et de jurer que la gamine resterait dans son coeur quoi qu'il arriverait. C'est mignon, des serments comme ça...

"Excusez-moi, mademoiselle, cette jeune fille, je l'ai déjà vue. Elle accompagnait un jeune homme, je crois. Qui étais-ce ?"

Plus pour se renseigner au niveau de sa patiente que pour engager la conversation, l'infirmière ne put s'empêcher de poser la question. Elle saurait enfin ce qui unissait les deux gamins à l'époque. Pauvre petite, quel choc ça avait du être pour elle...

Selena essaya de se calmer, et se concentra pour entendre ce qu'il se disait.

"Elles parlent de Gabi..."pensa-t-elle.

La révélation la frappa comme une gifle. Elle était à l'hopital ! La voix qu'elle entendait devait être celle d'une infirmière ! La voiture l'avait renversée !
Il fallait qu'elle se réveille, et vite.

Lindsay regarda l'infirmière d'un air incrédule. Ses sanglots s'étaient coupés net. Si, Selena avait un frère, qui était au lycée, et qui ne pouvait donc pas faire grand chose pour elle. Et ses parents... Linds' n'aimait pas vraiment son oncle et sa tante, et encore, elle ne les avaient pas sur le dos 24h/24. Et franchement, ils n'auraient pas fait grand chose non plus, bloqués dans leur bureau minable, dans le grand building au centre de la ville.
Lindsay se disait qu'elle était la seule personne suceptible d'aider Selena, de faire quelque chose pour elle. Mais comment expliquer cela ? elle avait toujours été comme une grande soeur pour Lena. Elle la protégeait, l'accompagnait, et était sa confidente. Et cela devait être plus agréable pour Selena d'être vue en compagnie d'une jolie jeune femme, qui s'avérait être une icône du rock, plutôt qu'avec des parents ringuards et bougons.
Et puis, toutes les deux, elles s'étaient toujours entendues à merveille...

"Je ne sais pas. Peut-être qu'elle a plus besoin de moi que des autres."

C'était idiot, comme réponse. Lindsay le savait. Mais elle ne savait pas quoi répondre d'autre. Et puis, c'était plutôt indiscret, non ? Et comment elle pouvait savoir ce qui se passait dans la tête de sa cousine ?

Quand l'infirmière parla du jeune garçon que Selena accompagnait, Lindsay comprit aussitôt qu'il s'agissait de Gabriel. Franchement, cette infirmière n'était pas très maline. Comme si Lindsay n'était pas assez déprimée comme ça ! Il fallait en plus que cette bonne femme lui rappelle les meuvais souvenirs.
La belle brune voyait encore Gabriel, blanc comme un linge, froid comme un pack de glace sortant du congélateur, raide sur son lit blanc. Selena pleurant à son chevet. Et elle, Lindsay Morgan, qui n'avait rien pu faire.
Il était hors de question pour que cela recommence.

"Gabriel. Il... ne s'en est pas sorti."

Lindsay reflua une vague de larmes. Après tout, elle ne connaissait pas très bien Gabriel. Mais rien que de le voir mort... Elle en avait la nausée. Et elle prierait tous les jours pour sauver Selena, même si elle n'était pas croyante.
Lindsay saisit son sac. Il fallait qu'elle parte. C'était primordial. Pour elle, mais aussi pour Selena. Que dirait-elle si elle voyait sa cousine elle aussi dans un lit d'hôpital, à son réveil ? Non, Lindsay avait besoin d'un bon café noir, d'un bon coup de fil à Lou et/ou April, et d'un bon film d'Audrey Hepburn. C'était tout ce qu'elle pouvait faire pour le moment.

Selena commençait à ne plus avoir trop mal. c'était devenu supportable, et ça s'appaisait petit à petit. elle avait envie de dormir.

*tu dors déjà ma grande* , se dit-elle, ironique.

Trés franchement, elle finit au bout d'un moment par sa sentir plutôt bien. elle était couchée dans un lit bien chaud, elle se reposait et prenait un peu de recul.

*Finalement, je vais pouvoir faire le point. Et puis, je dois avoir l'air d'une princesse, toute pâle dans les draps blancs ! toute pâle dans mes draps blancs...Faut que je m'en souvienne pour le noter quelque part.
Bon, alors, primo, Lindsay va bien. Ou aussi bien qu'elle pourrait aller, c'est le principal. Et personne d'autre n'a l'air d'être au courrant. Et si Jimmy ou emy venait me voir ? Oh le rêve ! Ou alors peter ! Ce serait gran-diose ! quoi qu'avec sa Lou, il doit pas franchement avoir du temps à consacrer à n'importe qui...*

"Vous devriez appeller sa famille Mademoiselle" risqua l'infirmière en posant sa main sur l'épaule de la jeune femme. "Il ne vaudrait mieux pas que vous restiez assise là toute seule. Cuver votre chagrin peut amener à faire des horreur, croyez-moi."

Pas trés à l'aise pour réconforter ce qui lui semblait une sculpture de glace en train de pleurer, elle se posta prés de la porte, les mains dans le dos.

"Elle aurait eu envie que sa famille soit là non ?"

*Oh oui, s'il-te-plait Lind's ! Faut que Mathias vienne, c'est le seul moyen de le sortir de son cours de français !* pensa Selena en esquissant (façon de parler) un sourire en pensant à l'horrible enseignante.

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